Le boxeur noir américain Rubin Carter (1937-2014) est devenu un des symboles des erreurs judiciaires dans le monde. Enfermé pendant dix-neuf ans pour des crimes qu’il a toujours nié avoir commis dans les années soixante, sa carrière de sportif de haut niveau est anéantie par cette affaire, alors que certains voient en lui un futur champion du monde. Le boxeur a succombé récemment à l’âge de 76 ans à un cancer de la prostate au Canada.
Poids moyen, Rubin carter est surnommé « The Hurricane » (l’ouragan) par ses fans. Sa puissance physique et son agressivité lui permettent de remporter 27 victoires, dont 20 avant la limite, en 40 combats professionnels. Mais sa vie bascule en 1966. Il est arrêté pour le meurtre de trois personnes dans un bar de la ville de Paterson dans le New Jersey.
Au mauvais endroit au mauvais moment ?
Il clame son innocence, mais deux malfrats arrêtés pour un cambriolage dans les environs du bar le jour de la tuerie, témoignent l’avoir vu sortir de l’établissement une arme au poing. Un jury entièrement composé de blancs, sur la base de ces témoignages, le condamnent à la prison à vie en 1967. En 1976, malgré la rétractation des témoins, le verdict est maintenu lors d’un second procès.
Il est libéré en 1985, soit 19 ans après son arrestation, par un juge fédéral.
Son histoire inspire une chanson à Bob Dylan. Intitulée « Hurricane », son refrain est : « Voici l’histoire d’Hurricane, L’homme que les autorités sont venues blâmer Pour quelque chose qu’il n’a jamais fait Ils l’ont mis dans une cellule de prison mais il aurait pu être le champion du monde ». C’est en lisant la biographie du boxeur, parue juste avant son second procès, que le chanteur décide de le rencontrer et d’écrire cette chanson de protestation.
Le sportif bénéficie d’un fort soutient populaire. Sa vie a également inspiré le cinéma, puisque Denzel Washington l’incarne en 1999 dans le film Hurricane Carter. L’acteur remporte un Golden Globe pour ce rôle et est nominé aux Oscars, même si certains critiques trouvent que le film minore le passé de délinquant du boxeur.
Rubin Carter, pas un enfant de cœur
Né en 1937 à Clifton dans le New Jersey, Rubin Carter était un jeune Noir américain révolté déjà connu des services de police, au moment de son arrestation en 1966. Ce qui n’a sans doute pas plaider en sa faveur. À 12 ans, il est incarcéré dans une prison pour mineurs pour avoir poignardé un homme qui lui aurait fait des avances. À 18 ans, il s’évade et entre dans l’armée où il apprend la boxe.
Après avoir été déclaré inapte à la vie militaire, il enchaîne les petits boulots et les délits qui lui valent une condamnation à quatre ans de prison, où il s’entraîne à boxer.
- À sa sortie en 1961, il entame une brillante carrière de boxeur professionnel. Réputé pour son crochet du gauche et son passé sulfureux, il ne tarde pas à se faire une réputation de dur à cuir.
- Ring Magazine le classe dans le top 10 des poids moyens en juillet 1963.
- En 1964, il échoue après un combat accroché (il est battu aux points) dans la conquête du titre mondial des mi-moyens face au champion Joey Giardello.
- Il n’obtient pas d’autre chance mondiale, après plusieurs défaite en 1965, avant le fait divers qui lui vaut 19 ans d’incarcération.
Innocenté, Rubin Carter entame un nouveau combat, pour le respect du droit des justiciables cette fois. Il s’installe à Toronto au Canada, où il fonde l’association de défense des victimes d’erreurs judiciaires (AIDWYC). Il réclame notamment la libération de David MacCallum, un Noir américain new-yorkais emprisonné en 1985 pour meurtre, mais dont le verdict paraît entaché par des préjugé racistes, comme dans son propre cas. En 2005, il reçoit le titre de docteur honorifique en droit pour son travail auprès de l’ADWC.