Aux commandes d’une œuvre de fiction, d’un film documentaire ou d’un spot publicitaire, le réalisateur est l’homme-orchestre qui dirige d’une main de maître tous les talents d’un tournage afin de donner une cohérence et une démarche créative. Il reste pourtant trop souvent ignoré du public et des campagnes promotionnelles, qui préfèrent se focaliser sur les acteurs. Jusqu’à l’affiche du film qui, paradoxalement, ne fait pas toujours apparaître son nom de manière visible.
Un job à multiples facettes
Littéralement, le réalisateur de film est celui qui assure la réalisation du tournage d’une œuvre audiovisuelle, qu’il s’agisse de cinéma ou de télévision, de fiction ou de documentaire, ou d’un spot publicitaire. En se basant sur un scénario et parfois sur un storyboard, il prend en charge la bonne marche du tournage en dirigeant les membres de l’équipe, techniciens comme acteurs.
Pratiquement, il délègue une grande part de ses compétences aux techniciens – caméraman, directeur de la photographie, opérateurs son, etc. – tout en assurant la mise en œuvre des orientations qu’il a préalablement définies. Lui-même a en charge tout ce qui concerne la direction artistique du film.
Avant le tournage :
- Suivi du scénario et découpage ;
- Recherche des lieux du tournage ;
- Choix des acteurs.
Pendant le tournage :
- Aspects visuels : position de la caméra, mouvement, angle de prise de vue, focale, etc. ;
- Environnement du cadre : choix des décors et des objets visibles dans le champ, etc. ;
- Direction d’acteurs ;
- Définition de l’ambiance lumineuse et des couleurs avec le directeur de la photographie ;
- Respect du budget et du temps imparti de tournage.
Après le tournage :
- Supervision de tout ce qui concerne la postproduction : montage, ajout de la musique, effets spéciaux…
Un rôle de créatif… et de leader
Bref, le réalisateur de film est le rôle créatif par excellence, car tout ce qui est filmé l’est en fonction de ses souhaits. C’est lui qui décide du nombre de prises nécessaires pour une même scène – Stanley Kubrick était célèbre pour les multiplier parfois jusqu’à l’absurde, tandis qu’Alfred Hitchcock les réduisait au minimum parce qu’il avait déjà tout en tête.
En même temps, le réalisateur doit s’assurer de la cohérence de l’œuvre et du fonctionnement conjoint de tous les talents réunis. Comme dans une équipe de football, rien ne sert d’avoir les meilleurs joueurs du monde sur le terrain si personne n’est là pour les faire jouer ensemble et leur définir une stratégie. Le tournage d’un film est un travail d’équipe qui a besoin d’un leader.
Le réalisateur de film et son époque
Ca, c’est pour la définition « classique ». Mais la réalité peut différer, de légèrement à grandement selon les cas. Si le rôle du réalisateur est toujours à peu près le même, sa place au sein d’une production varie selon les époques, les systèmes de production et même selon la force de caractère de chaque réalisateur.
À l’époque classique d’Hollywood, par exemple (cinéma des années 30/40/50), les réalisateurs sont, comme les techniciens et les acteurs, liés par contrat à un studio (Warner, MGM, Paramount…) et sont amenés à diriger des films dont ils n’ont pas spécialement choisi le scénario. Ils doivent alors se distinguer par leur mise en scène et leur personnalité.
Parmi les grands réalisateurs hollywoodiens considérés largement comme des « auteurs » à part entière, donc qui ont su imposer leur marque de fabrique dans un système de production rigide, notons :
- Frank Capra
- Howard Hawks
- John Ford
- George Cukor
- Leo McCarey
- King Vidor
- Et plus récemment David Fincher comme le rappelle le blog Ciné Pop
Le poids de la censure peut aussi faire évoluer le rôle du réalisateur, qui doit alors faire preuve d’inventivité. Un exemple très parlant : à la fin de Viridiana (Palme d’Or à Cannes en 1961), Luis Buñuel souhaitait que son personnage féminin finisse par coucher avec son cousin. La censure espagnole le lui refusa. Il termina alors son film en suggérant un ménage à trois avec la servante !
Le final cut
Depuis la période cinématographique qu’on a appelée « le Nouvel Hollywood » aux USA, dans les années 70, le rôle du réalisateur de film a évolué. Il n’est pas rare, désormais, que le réalisateur soit aussi le scénariste de son long-métrage, et qu’il conserve la primauté du « final cut », le montage final, afin de s’assurer que le studio ne modifie pas sa création sans son accord.
Le « final cut » est devenu le nerf de la guerre pour un réalisateur soucieux de garder le contrôle de son œuvre face à des studios qui cherchent avant tout à vendre un film au plus large public possible. Cette expression oppose, de fait, le geste commercial du studio de production (rappelant que le cinéma est une industrie) au geste artistique du metteur en scène (qui construit le film comme une œuvre).
Une question d’indépendance
C’est pourquoi les réalisateurs sont nombreux à privilégier leur indépendance artistique pour ne pas être soumis aux diktats d’un studio. Pour cela, ils créent leur propre structure de production. Steven Spielberg, Christopher Nolan, Tim Burton ou Steven Soderbergh produisent ainsi les films des autres en plus des leurs.
Certains entrent en guerre contre le système – Brian de Palma ou Paul Verhoeven ont de plus en plus mal à tourner, malgré leur génie – et d’autres ont acquis une telle notoriété qu’ils peuvent faire à peu près ce qu’ils veulent. C’est le cas de Woody Allen, qui poursuit sa carrière au rythme d’un film par an sans pression aucune, et avec le tout-Hollywood désireux de tourner pour lui.
D’autres encore sont parvenus à imposer leur griffe, à tel point que même leurs publicités sont observées de près par le public. C’est le cas de Martin Scorsese, Baz Luhrmann, Darren Aronofsky, Sofia Coppola ou Wes Anderson, dont les spots pour des parfums ont cassé la baraque.
La place du réalisateur de film pour le public
Malgré sa place stratégique, célébrée par les cinéphiles et les spécialistes du cinéma (la « politique des auteurs » est une création des Cahiers du Cinéma), le réalisateur de film reste pourtant méconnu du public. Celui-ci se focalise plutôt sur les acteurs, une vision partagée par les distributeurs qui misent d’abord sur l’impact d’une tête d’affiche.
Mis en valeur par les critiques, les réalisateurs, au moment de la sortie d’un film, restent trop souvent ignorés. Il suffit de regarder les affiches de leurs films pour s’en convaincre : quand le nom du metteur en scène apparaît de façon visible (c’est-à-dire pas seulement dans les crédits en caractères minuscules tout en bas), la taille de la police est souvent plus petite que celle de l’acteur principal.
Peu de réalisateurs y échappent, même les plus connus. Sur l’affiche de Seul sur Mars, le nom de Ridley Scott apparaît en petit sur la lisière du casque de Matt Damon, dont le nom est indiqué juste au-dessus du titre. Autre exemple : le poster de Spectre, le dernier James Bond. Sam Mendes est un immense metteur en scène de cinéma et de théâtre. Vous voyez son nom quelque part ?
De fait, même si le réalisateur de film reste mieux connu que le scénariste – qui pourtant est à la base de l’existence du projet –, il est encore trop souvent ignoré du public. Ce qui n’en fait pas un métier ingrat pour autant : vous diriez, vous, que Coppola, Spielberg ou Scorsese ont des jobs ingrats ?