Inconnus encore il y a deux ans, ils s’offrent aujourd’hui la couverture de nombreux journaux. « Ils », on ne sait pas vraiment qui c’est, « ils » c’est Fauve, un collectif d’artistes, un CORP comme ils disent. Ils se font photographier uniquement de dos, on ne sait pas combien ils sont, on ne sait pas qui ils sont mais on sait que ce sont des Vieux Frères, des Vieux Frères qui ont une histoire, une histoire touchante à laquelle on a envie de croire, une histoire que l’on a envie de suivre.
« FAUVE n’a pas d’ambition hormis celle d’aller mieux et de rester debout. »
C’est une phrase que l’on peut lire sur le site officiel de Fauve. Pour aller mieux, Fauve est parti de rien. Fondé en 2010, le CORP a besoin de vider son sac et il le fait (bien) grâce à un style musical appelé le spoken word. Fauve c’est une inondation verbale en musique. Beaucoup de mots s’enchainent et viennent traduire un mal-être, une honte, des erreurs regrettées et des rapports humains déshumanisés. Mais Fauve n’est pas dépressif, Fauve est optimiste parce qu’ils ont « encore tellement d’histoires pas croyables à vivre […], des histoires […] qui [les] emporteront très loin, tellement haut en mode fusée. »
Depuis deux ans, Fauve s’est surtout fait connaître par les réseaux sociaux et différents concours musicaux comme celui des InrockLab. Aujourd’hui Fauve remplit à l’aise les Bataclan alors que leur premier album est sorti début février 2014. Idem pour les différents festivals, Rock en Seine et les Eurockéennes n’ont pas échappé au phénomène.
Certains reprochent à Fauve des textes naïfs de bobos arrivistes mais Fauve propose plutôt de tuer le cynisme de nos vies que l’on regarde passer à travers les vitres du métro. Fauve nous pousse à réfléchir au métro-boulot-dodo que l’on a accepté sans rien dire, aux relations humaines oubliées qui ont laissé place à des automatismes dictés par les impératifs sociaux, au mal que l’on fait aux autres, à ce blizzard qui veut nous mettre à terre, à « nos encéphales en sous-régime ». C’est essentiellement pour cette raison que Fauve ne fait pas l’unanimité car le CORP prône avant tout une sortie des rails que d’autres trouvent si réconfortant de suivre. Fauve n’a pas vocation à être universel car il faut peut-être être de ceux qui « qui desserreront jamais les mâchoires sauf pour sortir les crocs » pour comprendre leur verbe « désespérément optimiste ».
Des mots qui soignent les maux
« Pouvoir ramasser les mots par terre et les jeter comme des pierres contre les parois plongées dans le noir pour en faire sortir les choses qui blessent. » C’est en criant ses textes que Fauve se soigne du mal-être quotidien, celui que l’on a fini par se créer nous-même mais aussi celui dont on peut se débarrasser « la tête haute, un point sur la table et l’autre en l’air » parce que la vie est courte et qu’il faut vivre pleinement, tenter des choses, aimer des gens. Fauve nous sert un carpe diem moderne pour échapper à un blues quotidien de la société.
Mais que va-t-il se passer lorsque Fauve sera soigné ? Lorsque ses « pensées périmées » auront été balayées par la puissance de ses textes ? Fauve aura-t-il toujours besoin de cet exutoire musical, Fauve sera-t-il toujours enragé ?
Alors oui on ne peut que leur souhaiter de finalement la vivre leur « putain de belle histoire » mais on espère qu’il leur « en reste dans les tiroirs » pour la deuxième partie de leur premier album, à venir à l’automne 2014.