Le propre de la sculpture contemporaine, c’est d’échapper aux définitions trop strictes et aux frontières trop bien délimitées. Phénomène historique plus que genre, elle s’est développée tout au long du XXe siècle, incarnée par des artistes de toutes nationalités et travaillant dans tous les styles, poussés, malgré leur éclectisme, par au moins une ambition commune : refuser toute forme d’académisme. En voici un panorama non exhaustif.
Sculpture, vous avez dit sculpture ?
La sculpture contemporaine regroupe différents styles, partagés entre des matériaux très divers – pierre, marbre, bronze, céramique, bois, textile, et même produits de grande consommation comme des canettes, des ballons ou des Lego – et des styles hétéroclites. Elle s’expose partout, y compris en extérieur, par exemple au Musée de la sculpture en plein air, à Paris.
Par sculpture contemporaine (ou moderne), on entend donc moins un style particulier ou un matériau bien défini, qu’une volonté commune aux artistes qui s’exprime par le rejet de toute forme d’académisme. Ces créateurs accordent notamment une plus grande importance que leurs prédécesseurs aux notions d’espace et de forme, à la subjectivité, ainsi qu’à l’abstraction.
De sorte qu’en elle-même, la « catégorie » sculpture contemporaine, si tant est qu’elle puisse exister, se définit précisément par le fait qu’elle échappe à toute définition. Elle est caractérisée par des frontières poreuses, parce qu’elle intègre le vivant, l’immatériel, le conceptuel ; parce qu’elle est perpétuellement en train de se réinventer et qu’elle se déploie dans l’espace, via des installations.
Trajectoires modernes
Comme ce fut le cas pour tous les arts, ou presque, le XXe siècle a défié l’écriture linéaire de l’histoire. La sculpture témoigne pleinement des ruptures qui ont nourri les productions artistiques du siècle, via au moins 3 trajectoires d’artistes :
- Ceux qui s’appuient sur les progrès conceptuels de la physique et de l’astronomie pour jouer sur les notions d’espace et de temps, en expérimentant des matériaux et des formes non conventionnels par rapport à ceux qui ont forgé la tradition.
- Ceux qui s’attachent à perturber la durabilité et la stabilité de la sculpture, dans le but de démystifier le processus de création et de fabrication.
- Ceux encore qui s’évertuent à élargir la sculpture contemporaine à des notions peu habituelles, comme le vivant ou la transformation des espaces d’exposition eux-mêmes (sculpture minimaliste, installations, etc.).
Les artistes qui officient dans la sculpture contemporaine ont parcouru tout le XXe siècle (depuis aussi loin qu’Auguste Rodin) et se sont exprimés dans une grande variété de pays. En voici quelques noms majeurs :
- Louise Bourgeois
- Georges Braque
- Daniel Buren
- Les frères Chapman
- Alberto Giacometti
- Alexandra Hidalgo
- Hirotoshi Ito
- Jeff Koons
- Emilio Longhi
- Ron Mueck
- Luis Fernando Ponce
La sculpture contemporaine dans toute sa diversité
Voici quelques tendances que l’on peut dégager de la sculpture contemporaine :
Bousculer les codes de la représentation anatomique
Auguste Rodin sculpte délibérément des figures amputées de leurs membres, parfois de la tête, pour faire écho à ces statues qui, venues de l’Antiquité, nous parviennent mutilées, visibles uniquement dans leur figuration imparfaite (la Vénus de Milo en est l’exemple archétypal). Ron Mueck, lui, produit des sculptures géantes anatomiquement parfaites, pour nous faire pénétrer au cœur de l’intimité du corps humain.
Démythifier, détourner, banaliser
La Vénus de Milo qui, justement, fut réinterprétée par un Salvador Dali soucieux de détourner des œuvres célèbres pour en extraire ce qui tient de leur sacralité. Jeff Koons ou Alberto Giacometti, eux, puisent parfois leur inspiration à la source de l’art, du côté des civilisations antiques, pour réaliser certains de leurs travaux (voyez des exemples sur cette page).
Un pan important de la sculpture contemporaine vise à re-sacraliser, c’est-à-dire à transformer en œuvres d’art les objets les plus banals. Entre kitsch et absurdité, Jeff Koons s’amuse à édifier des chiens géants en ballons (Balloon Dog) réalisés en acier inoxydable dans plusieurs coloris.
Choquer, perturber
C’est le propre d’une grande partie de la production de la sculpture contemporaine. Il s’agit d’ailleurs moins de choquer que de remettre en question les valeurs les mieux établies : religion, système politique, économie.
Les frères Chapman s’appliquent à créer la controverse avec des sujets subversifs, une pointe d’humour noire et l’utilisation insolite des matériaux traditionnels. Ainsi cette série de Ronald McDonald crucifiés sur un Golgotha de pacotille.
Des thématiques liées à l’intimité
Louise Bourgeois est la grande représentante de la sculpture de l’intime, ses sujets portant sur la procréation, la naissance et la maternité. Elle mêle, dans ses créations, le corps à l’architecture : buste en brique, cage thoracique prenant la forme d’escaliers et de portes, allégories de la sexualité à travers des organes ou des organismes (le père est un phallus, la mère une araignée).
L’utilisation de matériaux divers et étonnants…
…Y compris périssables ou soumis aux détériorations du temps qui passe et des intempéries. Aux côtés de la fameuse sculpture de sable, on trouve les plus insolites créations en ballons et en matériaux venus de la consommation de masse. Ainsi, la sculpture en canettes (incarnée notamment par Alfredo Longo et ses grands visages) s’avère à la fois originale et écologique, tout en véhiculant un message politique sur la question du gaspillage.
En résumé, pour avoir une bonne idée ce qu’est la sculpture contemporaine, le mieux, c’est encore d’aller y voir de plus près, dans les musées et les galeries !