Wölfflin en a fait, dans Les Principes fondamentaux de l’art, le grand mouvement artistique du XVIIe siècle : le baroque, caractérisé par son foisonnement esthétique et sa recherche du mouvement dynamique, a dominé toute l’Europe de la période, à partir de l’Italie qui l’a vu naître.
Origines du baroque
Rompant avec une trop sage Renaissance mais s’inspirant de sa phase ultime, le maniérisme (celui du Michel-Ange du Jugement dernier, par exemple, avec ses tourbillons inversés), le baroque éclot à la fin du XVIe siècle sur fond d’oppositions religieuses.
L’Église catholique, désireuse de combattre la Réforme luthérienne, puise dans ses immenses richesses pour financer des constructions monumentales, marquées par leur grande liberté formelle et un goût immodéré pour l’ornementation. Leur but ? Attiser chez le peuple une nouvelle ferveur religieuse et favoriser son extase spirituelle.
Emprunté au portugais « barroco », qui signifie « pierre irrégulière », mais aussi, par dérivation, « absurde » ou « grotesque », le baroque ne sera caractérisé comme style qu’au XVIIIe siècle. Ce sont ses contempteurs, avides de le tourner en ridicule, qui lui attribuent cette appellation, à l’origine connotée négativement.
Mais avant cela, le baroque se sera étendu sur une grande partie du continent, poussé par l’influence de L’Iconologia de Cesare Ripa, publié en italien en 1593, puis dans les autres langues européennes tout au long du XVIIe siècle. Il finit par se consumer au siècle suivant, dégénérant vers le kitsch et le rococo.
En France, il est progressivement remplacé par le classicisme, signant la victoire de La Fontaine et de Boileau sur la luxuriance d’un Montaigne.
Les déploiements du baroque
Le baroque développe un style fondé sur le foisonnement esthétique et ornemental, qui recherche les effets spectaculaires pour célébrer la beauté de l’univers. Il s’illustre par les masques, les déguisements et les métamorphoses : des scènes tirées des légendes d’Ovide sont sculptées par Le Bernin à Rome, aujourd’hui exposées à la Villa Borghese.
Il se déploie selon les tendances suivantes :
- L’exagération du mouvement
- La surcharge décorative
- Les effets dramatiques
- Les draperies flottantes
- L’exubérance, notamment par la combinaison des matériaux et l’usage de marbres colorés
- La grandeur pompeuse
- Le contraste
Le baroque est un monde de contraires qui coexistent dans l’harmonie, selon le mot de Philippe Beaussant. Voilà pourquoi les sculpteurs baroques multiplient les miroirs, les trompe-l’œil, les perspectives, les constructions en abyme.
Pourquoi le baroque s’adapte parfaitement à la sculpture
Le sculpteur baroque agrandit, déforme, métamorphose le réel, privilégiant – en s’inspirant de ce qui se fait en littérature – les figures d’amplification, d’opposition et d’analogie. Il fabrique des formes groupées, des ensembles de corps emmêlés, avec cette particularité que ses figures peuvent être appréciées sous de multiples angles de vue.
En cela, le style baroque convient bien à la sculpture. Celle-ci, en puisant son inspiration dans l’architecture, présente des éléments qui viennent s’adjoindre à la figure vivante : des éclairages ou des fontaines, par exemple. Le réel en est transformé, il devient multiple et complexe au regard du spectateur.
Un grand maître de la sculpture baroque : Le Bernin
Le plus grand sculpteur de l’époque baroque fut sans doute Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin. Son art est typique de ce style : mouvement, torsion des formes, amplification spectaculaire, effets d’illusion. L’eau devient un élément fondamental du récit sculptural, raison pour laquelle il édifie tant de fontaines, devenant la figure de proue de l’art baroque dans la capitale italienne.
Apollon et Daphné, Le Tombeau d’Alexandre VII ou La Bienheureuse Ludovica Albertoni constituent des exemples de chefs-d’œuvre de la sculpture baroque. Le Bernin s’impose comme l’un des artistes les plus doués de sa génération – on l’appelle « le second Michel-Ange ».
Il est, en tout cas, le plus talentueux dans le maniement du langage baroque, dans la traduction par le marbre de cette volonté de l’Église de renforcer la ferveur religieuse et l’extase bienheureuse. On le voit bien dans son Extase de Sainte Thérèse, dans sa façon de sculpter à Thérèse d’Avila un visage languissant et pénétré de spiritualité.
L’influence du Bernin dans la sculpture religieuse est considérable : ses anges et ses saints, révulsés dans l’extase, envahissent le monde occidental. Jusqu’à ce que les ciseaux du classicisme finissent par leur couper les ailes, un peu partout en Europe.