Comment faire pour obtenir un service quand on n’a pas d’argent ? Les systèmes d’échanges locaux (SEL), partout en France, offrent cette possibilité même quand on est sans le sou. Plus besoin, par exemple, de se lancer soi-même dans la réparation de la machine à laver quand on n’est pas bricoleur, parce qu’on est à découvert à la banque. Un « séliste » plus compétent peut peut-être s’en charger, sans que vous déboursiez un euro. En retour, il suffit de proposer à la communauté des services dans votre domaine de compétences.
Comment ça marche exactement les SEL ? Juridiquement organisés en association, ils mettent en relation des particuliers d’une zone géographique pour qu’ils échangent des biens, de services et des savoirs qui ne sont pas facturés en euros, mais dans une monnaie locale. Suivant les régions, ça peut être des grains de sel, des sourires, des piafs, des châtaignes, des truffes, des sardines, etc. Mais peu importe, puisque c’est une devise fictive qui n’est pas matérialisée par des billets ou des pièces. Pas question d’avoir des sardines dans les poches !
Les SEL, un système alternatif
En réalité, chaque nouvel adhérent d’un SEL reçoit des crédits pour commencer à échanger avec les autres membres de l’association. Il accède à une liste d’offres et de demandes. À partir de là, il peut se mettre à apprendre l’anglais si quelqu’un le propose ou lui-même proposer des cours dans la langue de Shakespeare, s’il en a les compétences.
La nature des échanges est variée. Ça peut être des cours de langues, des travaux, de la couture, du bricolage, du dépannage informatique, des confitures, du coaching, du soutien psychologique, de l’aide à la rédaction de CV, de l’art-thérapie, de la garde d’appartement, du conseil en fiscalité, etc. La liste est loin d’être exhaustive, la seule limite est que les services rendus ne doivent pas s’apparenter à du travail au noir déguisé.
Généralement, une minute de temps consacré équivaut à un crédit. Donc, une heure à soixante crédits. Par exemple, si j’ai besoin de faire recoudre un vêtement et qu’une grand-mère me dit qu’il lui faut une demi-heure pour le faire, le service me revient à trente sardines, châtaignes ou hippopotames.. Toutefois, c’est une échelle indicative, car les prix sont libres. C’est aux « sélistes » de négocier la valeur de l’échange qu’ils font.
S’enrichir matériellement, mais surtout humainement
Chacun des membres de la communauté a un compte avec un solde de crédits, à l’instar d’une banque. Les découverts, suivant les SEL, sont autorisés ou non. La différence avec un établissement bancaire, et elle est de taille, c’est que les intérêts sont dégressifs ! Les crédits non utilisés, au bout d’un certain temps, sont détruits. Le but de cette dégressivité est de dynamiser les échanges et d’éviter la capitalisation.
En effet, les SEL sont des associations militantes qui s’opposent à la mondialisation. Leur philosophie est de recréer du lien social en fédérant des personnes proches géographiquement. Chaque trimestre, des bourses locales d’échanges (BLÉ) sont organisées pour rassembler les adhérents, afin de renforcer le lien communautaire. C’est aussi une bonne occasion de vider son grenier.
Le concept des SEL est né au Canada en 1980. Outre-Atlantique, on les appelle les Local Exchange Trading System ou LETS. C’est un Écossais de Vancouver, Michaël Linton, qui a créé le premier système d’échange basé sur une monnaie locale, le Green dollar, dans une communauté touchée de plein fouet par le chômage. Son idée était d’utiliser le savoir-faire de personnes réduites à l’inactivité afin de leur permettre de sortir des limites créées par le manque d’argent.
L’idée s’est très vite développée au Canada, en Australie, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. En France, le premier SEL a été créé en 1994 en Ariège. En 1995, Toulouse est la première grande ville française à voir naître un SEL. Il y est particulièrement dynamique. Aujourd’hui, il y a près de 350 associations de ce type dans l’Hexagone !