Un nouveau mode de fonctionnement est de plus en plus sollicité au sein de l’entreprise : l’intelligence collective. A l’opposé des méthodes un peu crues du lean management à l’asiatique, ce système encourage la responsabilité de chacun, mais au cœur d’un collectif soudé, avec des résultats convaincants. Est-ce la fin de la sacro-sainte organisation pyramidale ?
Intelligence collective : qu’est-ce que c’est ?
Le concept d’intelligence collective constitue un facteur important de l’efficacité des équipes en entreprise. En tant que système, elle représente la somme des intelligences individuelles des membres d’une équipe, ainsi que leurs relations.
La notion d’intelligence collective découle de la rencontre de deux concepts : celui de collectif de travail (qu’il s’agisse d’une équipe de travail ou d’une dimension plus élargie désignant plusieurs individus qui collaborent à la poursuite d’objectifs communs), et celui d’intelligence, au sens de capacité de compréhension.
Elle est issue du modèle de « l’entreprise libérée » théorisé par Isaac Getz et Brian M. Carney dans le livre Liberté & Cie. Et donne lieu, aujourd’hui, à des réflexions de grande qualité à la fois dans les entreprises et dans les équipes de recherches sur le management, comme on peut le constater sur cette page.
Quels en sont les avantages en entreprise ?
L’intelligence collective n’a rien d’une utopie que quelques philanthropes défendraient dans leur coin. Les entreprises qui adoptent cette solution de management surperforment, car les salariés se montrent davantage impliqués et élèvent leur propre niveau d’exigence.
L’intelligence collective s’appuie sur les avantages de la structuration en équipe :
- Une meilleure adaptation aux évolutions de l’environnement
- La possibilité de s’appuyer sur une unité de base collective, l’entreprise étant ainsi moins dépendante des aléas individuels (congés maladie, démissions…)
- La favorisation de la participation et de la créativité des individus
Il n’est plus à prouver (comme il est expliqué par exemple sur cette page) que l’organisation en équipe constitue le mode d’action collective le plus performant. L’équipe est le terreau idéal d’où peut surgir l’intelligence collective dans le but d’assurer le bon développement de l’entreprise.
Pourquoi l’organisation pyramidale bat de l’aile
Aujourd’hui, les entreprises n’ont plus les moyens d’assumer les coûts cachés d’une organisation fondée sur le contrôle et la méfiance généralisée. Ces coûts cachés consistent en l’absentéisme, la démotivation et le turnover, les grandes maladies de l’entreprise moderne.
Eric Albert, fondateur de l’Institut français d’action sur le stress, parle de « tyrannie du reporting ». C’est elle qui, selon lui, a un effet désastreux sur l’implication des individus. Logiquement, les observateurs notent qu’il devient urgent de rompre avec l’actuel modèle de management.
Si l’on en croit une étude de l’observatoire Cegos, le taux de satisfaction du climat social repart à la hausse pour la première fois depuis 5 ans : 52% des collaborateurs se déclarent satisfaits du climat social dans leur entreprise ou leur administration. Mais en 2014 le même observatoire signalait une brusque dégradation, avec seulement 45% des salariés qui se déclaraient motivés par leur travail.
Nous sommes arrivés au bout d’un cycle qui pourrait voir la fin du modèle managérial. Pour quelles raisons ?
- Parce que l’avènement du numérique a changé le système relationnel dans la société, donc dans les entreprises ;
- Parce que le développement de l’économie de marché a creusé les divergences entre les salariés et la direction – les premiers ne comprennent plus les objectifs des seconds, et ceux-ci ont donné l’impression de moins bien prendre en considération les besoins humains des premiers
Notons que des nouvelles propositions managériales (comme le management transversal) font leur apparition depuis quelques années, bouleversant l’ordre des choses depuis trop longtemps établi.
Un exemple concret : Probionov
Spécialisée dans la recherche de probiotiques pour l’industrie pharmaceutique, Proboniov, entreprise moyenne implantée dans le Cantal, se définit comme une « Sara » plutôt que comme une SARL. La société à responsabilité limité a laissé place à la société à responsabilité augmentée.
Désireux de révolutionner le mode de management traditionnel, son PDF, Stanislas Desjonquères, a choisi de miser sur l’intelligence collective en impliquant pleinement chacun de ses 100 salariés.
Au départ, sa réforme a plutôt des airs de révolution cubaine : suppression de tous les signes d’injustice et de méfiance (c’est la fin des fournitures mises sous clé pour se prémunir des vols de crayons), disparition du middle management pour favoriser l’autonomie et instaurer l’autocontrôle. Quant aux tâches absurdes et improductives, elles sont proscrites.
Résultat ? Un gain en initiatives à tous les niveaux et une réactivité fulgurante face aux problèmes du quotidien. Une machine est en panne ? Les ouvriers n’attendent pas la Saint-Glinglin, ils le prennent en charge et réparent s’ils le peuvent.
Entreprise libérée, délivrée
Comme Proboniov, la petite centaine d’entreprises « libérées », repérées à ce jour dans le monde par le chercheur en management et professeur à l’ESCP Europe Isaac Getz, montre des résultats probants et fait des émules.
Après les petites structures – Inov-On, la biscuiterie Poult –de grands groupes tels que Michelin, Auchan ou Kiabi s’intéressent de près aux solutions apportées par l’intelligence collective, et commencent même à en appliquer quelques préceptes.
L’intelligence collective est parfaitement adaptée aux enjeux de demain. À charge pour les entreprises de bousculer les piliers managériaux et de proposer des solutions qui responsabilisent les employés, libèrent leur intelligence et s’appuient sur le pouvoir du collectif.