La biodynamie est une technique agricole basée sur le respect des cycles du cosmos. Elle postule que les astres ont une influence sur le vivant, et que le calendrier céleste détermine les phases durant lesquelles il est propice ou non de cultiver. Beaucoup d’agronomes cartésiens considèrent cette forme d’agriculture comme de la science-fiction, alors que des exploitants agricoles, notamment des vignerons, témoignent de son efficacité, même s’ils ne parviennent pas toujours à expliquer pourquoi.
Cousine de l’agriculture biologique, elle proscrit l’utilisation de produits chimiques. Les biodynamistes, plus radicaux encore, n’emploient quasiment que des préparations à base de plantes à certains moments du calendrier pour soutenir la croissance des végétaux ou limiter le développement des parasites.
Un mode de production agricole connecté
Le Mouvement de l’agriculture biodynamique publie sur son site internet une rubrique intitulée « Jardinez avec les astres ». Chaque semaine, elle contient des informations sur les tâches du jardin qu’il est propice d’effectuer en fonction de la position des planètes. Par exemple, du 27 janvier au 2 février 2014, lundi était un jour favorable aux feuilles. Il était donc conseillé aux jardiniers de forcer les endives, de repiquer des laitues sous abri ou de scarifier le gazon pour éliminer les mousses. Par contre, mercredi, il était déconseillé d’intervenir au jardin. C’était un jour défavorable à cause d’un « nœud de Mercure ».
Les biodynamistes se défendent d’être des apprentis sorciers. Ils pensent d’ailleurs que leur croyance à l’influence des planètes sur le vivant n’est pas dénuée de fondements scientifiques. En effet, des recherches ont prouvé que la lune avait une influence sur l’eau des océans avec les marées. Les plantes étant constituées à plus de 80% d’eau, il paraît logique qu’elle subissent également les influences de la lune. Cette idée paraît douteuse uniquement parce que cette interaction n’est pas visible à l’œil nu. Des agriculteurs affirment pourtant la constater quand la sève à tendance à descendre lorsque la lune est dite descendante et à monter lorsqu’elle est dite ascendante.
Le concept d’agriculture biodynamique a été inventé durant la première moitié du XXe siècle par Rudolf Steiner, un intellectuel allemand. Il est le fondateur de l’anthroposophie, un mouvement de réflexion sur la pédagogie, la médecine, l’agriculture ou l’architecture. Son projet était de remettre en avant la spiritualité dans les activités humaines, y compris dans la production agricole. Il pensait, comme Goethe, que l’observation de la perfection de la nature mène à l’idée d’un ordre supérieur.
La vie ne se réduit pas à une équation
En 1924, Steiner est sollicité par des agriculteurs inquiets de constater la dégénérescence de leur culture ou la perte de fécondité de leur troupeau, suite à l’utilisation de produits chimiques issus des stocks de la Première Guerre mondiale. Les mêmes problématiques qu’aujourd’hui se posaient. Dans une série de cours d’agronomie qui sont la base de la biodynamie actuelle, il explique par exemple qu’il est risqué de nourrir le bétail avec des farines animales, parce qu’elles provoquent une production trop importante d’urate allant au cerveau et rend les animaux fous. Steiner pensait que la science était une belle invention, mais qu’il ne fallait pas non plus oublier la sagesse pratique de nos ancêtres qui ont cultivé la terre pendant 7 900 ans.
Si les biodynamistes ne sont pas irrationalistes, ils militent clairement contre la réduction du vivant à des idées abstraites. La géométrie des grandes plaines agricoles illustre très bien cette réduction de la nature à des chiffres. Ça peut faire un peu New Age, mais pour ces militants, ce découpage du paysage crée des lignes de rupture qui témoignent de l’ignorance de l’unité de la nature, où toutes les choses sont imbriquées.
La pensée agronomique analytique sépare la terre, le végétal, l’animal, en secteurs spécialisés, et détruit les connexions qui existent entre eux. Elle mène à la notion d’exploitation agricole, où l’homme puise dans les ressources naturelles sans se préoccuper de leur régénération. À l’opposé, la biodynamie propose de mettre en évidence les liens qui unissent les animaux, les végétaux, la terre et les hommes. Tout agissant sur tout, l’agriculteur doit créer les synergies qui amèneront une fertilité croissante.