L’univers de Titeuf
L’histoire de Titeuf charme autant qu’elle exaspère, avec des millions d’albums vendus, traduits en plus de vingt cinq langues, convertis en série télé, auquel s’est ajouté la sortie d’un film en 2011. Titeuf est un jeune garçon blond, d’un âge jamais indiqué, mais toujours suggéré.
Son aspect, ses relations, et son environnement laissent songer qu’il aurait entre six et dix ans. Il est souvent turbulent, avec ses amis, mais il se révèle finalement très attachant. Il se pose souvent beaucoup de questions et joue aux jeux de garçon de son âge. L’auteur Philippe Chappuis, alias Zep, a souvent exprimé son intention de ne jamais le faire grandir. On retrouve dans l’univers de Titeuf, de nombreux personnages récurrents, à l’instar de ses copains d’école, des filles de sa classe, dont une particulièrement, qu’il affectionne plus que tout, Nadia.
Titeuf vient d’une famille modeste et vit dans un appartement avec ses parents et plus tard, avec l’arrivée d’une petite sœur. Les gags se déroulent généralement dans la ville où il habite.
Le premier album de Titeuf sortit en 1992, Dieu, le sexe et les bretelles. Ce premier opus fut novateur par son traitement de la sexualité chez les enfants. Jamais une bande dessinée pour enfant n’avait dévoilé autant de questionnements chez les jeunes adultes. L’univers de Titeuf traite de nombreux sujets, comme les problèmes de société (père au chômage), l’environnement, la problématique divine, l’amour. La sexualité est un point fondamental de l’œuvre.
D’une part, parce qu’un tel sujet offre un panel de blagues amusantes, faciles, et accessibles pour les jeunes et les plus vieux, et d’autre part, pour dissimuler un message pertinent sur la façon d’aborder la sexualité.
La traitement de la sexualité comme accroche pertinente
Aux cotés des esquisses toujours aussi provocantes, voire indécentes selon certains, la bande dessinée Titeuf garde un humour irrésistible, où les explications sur la sexualité s’entremêlent pour le plaisir des petits, et l’étonnement des grands. L’œuvre de son auteur suisse est sérieuse sur le fond et drôle sur la forme, n’en déplaise aux médisants qui ne voient que la présentation de sexes en érection ou de seins proéminents.
La sexualité est présentée d’une manière respectueuse, galvanisante, appréciable, tonique, somme toute positive. Une gageure. Et une nécessitée, dans un monde trusté par les représentants de la génération Z dont l’éducation sexuelle est, trop souvent, assurée par Internet. Zep se propose ainsi de présenter une contre-sexualité non digitale, qui puise dans des valeurs positives et qui met en avant les sentiments.
Assurément, Zep ne prêche pas la fidélité au sein d’un mariage, et encore moins la chasteté pré-conjugale, bien qu’il est précisé que certains choisissent de faire l’amour tardivement car c’est leur droit : « On peut avoir du désir sexuel dans son corps et ne pas vouloir faire l’amour dans sa tête parce qu’on préfère attendre ».
Il n’y a pas de morale, si ce n’est, et c’est inhérent à cette œuvre, qu’on fait l’amour lorsqu’on a des sentiments, et des sentiments partagés, librement consentis, « c’est le cœur qui parle », comme ce terme qui revient souvent dans les récits de Titeuf. Le guide du zizi sexuel, sorti en 2001, illustre parfaitement notre propos par l’ordre des chapitres :
- I) Être amoureux
- II) La puberté
- III) Faire l’amour
- IV) Faire un bébé
- V) Se protéger
- VI) Fais gaffe !
Le message sous-jacent
Le commencement de la sexualité, c’est avant tout le désir partagé avec le sentiment amoureux. Suite à cela, s’ajoutent des explications anatomiques bien figurées et amusantes. « Quand ils s’aiment énormément, au bout de quelques temps, les adultes ont envie de faire un bébé ensemble ». Cette démonstration de la reproduction comme élément déclencheur de l’amour est parfaitement stimulante et enthousiaste.
On trouve dans Titeuf et notamment Le guide du zizi sexuel,un portrait du développement de l’enfant in utero, sujet d’enchantement, sans nécessité de mots afin de mieux déguiser le message. De nombreuses informations sur la contraception, les MST, les préservatifs ornent les bandes dessinées de Zep. On trouve aussi de judicieuses mises en garde contre les prédateurs sexuels de notre époque.
Titeuf nous fait parvenir une vision positive du sexe, tirée d’une morale laïque qui n’indique ni normes sexuelles, ni normes familiales, mais qui, à distance de l’utilisation du corps d’autrui, fait résolument intervenir l’élan sentimental comme source profonde de notre sexualité.
En définitive, la bande dessinée de Titeuf a souvent choqué, par son traitement de la sexualité, mais c’est une conséquence que l’auteur n’a jamais souhaitée. Il suffit de se pencher plus ardemment sur son œuvre pour se rendre compte que son idée est faite de bons sentiments. Il fait le choix d’inculquer une façon de penser la sexualité comme saine et préventive.
Jamais auparavant, une bande dessinée pour enfant n’avait fait ces choix audacieux. Une comparaison frappante peut être faite avec la bande dessinée Boule et Bill, qui a beaucoup inspiré Zep. Il s’agit du Titeuf des années 1960 et 1970 avec les mêmes thématiques, sauf… la sexualité. Le traitement de cette dernière à tout simplement donné un renouveau au monde de la bande dessinée francophone et le succès de Titeuf est dû en partie grâce à cela.