Alors que l’éthique et la question animale sont des sujets largement traités depuis le scandale de la viande de cheval survenu en 2013, une autre question est soulevée : celle de la conscience des autres espèces. Une controverse à nouveau mise à l’honneur aujourd’hui avec le touchant témoignage vidéo d’un chimpanzé faisant preuve de reconnaissance vis-à-vis de ceux qui lui sont venus en aide.
Les animaux ont-ils une conscience ? Si de nombreux chercheurs continuent d’étudier la question, anecdotes et témoignages ne cessent d’apporter de nouveaux éléments au débat.
Et encore récemment, c’est une vidéo de l’Institut Jane Goodall qui est venue étayer les exemples qui tendent à prouver la complexité du comportement animal. En effet, lors d’une remise en liberté d’une femelle chimpanzé qui avait fait l’objet d’un sauvetage, cette dernière a montré de la reconnaissance en prenant dans ses bras la primatologue qui l’avait sauvée.
Si certains sceptiques peuvent prétendre à de l’anthropomorphisme, l’ensemble des résultats et observations sur cette espèce confirment pourtant une grande intelligence et des signes de conscience de soi.
Wounda, la gratitude démontrée chez le chimpanzé
Depuis 1977, l’Institut Jane Goodall a pour objectif de protéger les primates et de sensibiliser les populations à la préservation de la biodiversité.
Parmi toutes ses missions, l’un des objectifs de l’organisation au Congo est de sauver d’une mort certaine des chimpanzés rescapés du braconnage, de les soigner, avant de les remettre en liberté dans un espace protégé, le sanctuaire de Tchimpounga. Une opération qui dure depuis maintenant vingt ans.
C’est de ce programme qu’est tirée l’histoire de Wounda. Comme beaucoup, cette petite femelle a été retrouvée encore non sevrée alors que sa famille avait été la victime des braconniers.
Maigre, malade, affaiblie, elle a été prise en charge par l’association qui lui a prodigué les soins nécessaires. Fin 2013, elle était prête à retrouver la vie en liberté.
Et c’est au moment du relâcher que tout s’est produit : une fois sortie de sa cage de transport, Wounda n’a pas fui comme tout animal retrouvant la liberté. Elle n’est pas non plus restée prostrée, par peur d’un environnement qu’elle aurait pu oublier.
Elle s’est dirigée vers les personnes présentes et a semblé montrer des signes de reconnaissance. Un geste envers un membre de l’équipe, d’abord, puis une véritable embrassade pour Jane Goodall, la primatologue fondatrice de l’Institut.
Bien que Wounda soit la 15e de son espèce à être remise en liberté sur le sanctuaire de Tchimpounga, l’Institut Jane Goodall relate que c’est la première fois que l’équipe de scientifiques a l’occasion d’observer un tel comportement.
Peut-on considérer cela comme un nouvel élément dans l’étude de l’intelligence des primates et des animaux d’une façon plus globale ?
La conscience de l’animal : vers la fin d’un débat ?
La mise en évidence d’une conscience de l’animal rencontre de nombreux opposants dans une société où la suprématie de l’espèce humaine a conduit à un asservissement des autres êtres vivants de la planète.
Établir la conscience d’autrui obligerait ainsi la société mondiale à remettre en question de nombreuses pratiques, telles que la vivisection, l’élevage intensif, certains rituels traditionnels.
Et pourtant…
Les études ne cessent d’abonder en faveur de cette conscience animale. Concernant les chimpanzés, une récente découverte de Tetsuro Matsuzawa, chercheur au laboratoire de primatologie de l’Université de Tokyo, a démonté que l’intelligence de ce primate pouvait dépasser celle de l’être humain, à certains égards. C’est le cas pour la mémoire courte, que le chimpanzé aurait meilleure que la nôtre.
L’ensemble des grands singes a par ailleurs montré des aptitudes étonnantes : conscience de soi (test du miroir), communication et apprentissage de la langue des signes, capacité à utiliser un outil, etc. Des comportements qui prouvent la complexité de la réflexion de ces animaux.
Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement d’une simple conscience d’être. La reconnaissance dont a fait preuve Wounda est d’autant plus intéressante qu’elle s’insère dans un code social et non seulement dans le schéma d’une conscience tournée seulement vers l’ego. Jane Goodall n’a pas été la seule, à vrai dire, à observer des comportements complexes chez l’animal. L’éthologue Marc Bekoff a également constaté des réactions de gêne, de honte, chez le singe dans son habitat naturel (Les émotions des animaux).
Bien que le cas des primates soit le plus parlant, d’autres animaux encore ont prouvé qu’ils avaient conscience d’être : c’est notamment le cas des éléphants, des pies, des corbeaux, des lions de mer, des cétacés, et même des pigeons et des cochons (selon le test du miroir, mis au point par Gordon Gallup en 1970).
Que cela instaure une gêne ou non, les preuves scientifiques accumulées semblent en faveur de la conscience animale. Un argument qui pourrait nous amener à revoir notre relation à celui-ci, lui accordant le droit d’exister, en suivant le dogme, « je pense, donc je suis ».